Monday, July 31, 2006

imagination de guerre -2-

Je hais la télévision…

Je ne supporte plus de regarder la télévision… ni de l’entendre…
Même à travers les murs d’une autre pièce… d’un autre appartement.
Je déteste le journal télévisé… les nouvelles qui durent des journées entières... les flashs d’urgence qui me fendent le cœur.
Je répugne les spécialistes politiques qui ne font que parler…
Discuter… discourir à l’infini depuis cette horrible caisse noire qui monopolise l’attention de tout le monde.

Je maudis les autres programmes et les chaînes qui nous arrivent par satellite de fréquence en paix… en été… en vacances.

Les américains m’énervent avec leur sous-titrage des carnages sans jamais montrer des images.
Ils ont peur de choquer une population civile aux yeux innocents alors même qu’ils n’ont aucun égard pour aucune forme de vie en dehors de la leur et de celle de leurs protégés.
Les anglais m’étonnent avec leur attitude de mouton de panurge qui suit aveuglement une politique américaine meurtrière.
Les français m’irritent avec leur canicule qui prend la une des informations.

je vais éteindre ma télévision avant d’en vouloir au monde entier.
Et surtout… surtout à moi-même et à mon impuissance.

Perception de l’espace

La modernité m’a appris à aimer les espaces ouverts… les baies vitrées de part en part de la pièce…
Le dehors est un autre dedans… comme dit le Corbusier.
Les vitrages occupant un des quatre pans à la verticale d’une chambre avaient ma préférence.
Plus une salle laissait pénétrer l’extérieur en son sein… plus je me délectais de l’habiter ou de la concevoir.

Il a suffi d’une semaine de raids aériens… pour changer toute ma perception de l’espace.
Maintenant… je ne me sens bien que dans une salle obscure dotée d’une misérable fenêtre.
Je m’y installe le dos au mur… et je souffle.

Le psychique se porte bien… le cérébral lui se moque de moi.
Ni un mur… ni un vitrage ne protége d’une bombe qui pénètre sept étages en béton armé.
Spécialité de nos attaquants.
Et pourtant… les vitres me font peur.
la lumière du jour me rappelle les journées d’été insouciantes que l’on vivait il y a à peine trois semaines.
Le soleil… la lune et les étoiles font partie d’un temps aujourd’hui révolu qui se nomme la paix.
Ce temps là… je me contente de le rêver.
Ainsi que des pièces lumineuses inondées de bonheur.

Saturday, July 29, 2006

imagination de guerre -1-

Que fait Condi dans ma vie ?

Et si mon univers entier se résumait aux agissements et aux décisions de Condoleezza Rice…

Ce qui est sûr… c’est son omniprésence en ce moment de crise.
Je dors sur ses conditions draconiennes… je me réveille sur un retour imminent au moyen-orient.

Au petit déjeuner… on parle d’elle.
A midi… on demande de ses nouvelles.
Le soir… on fait le bilan de sa journée.


Au rythme de ses allers-retours se balancent nos villages... notre sud.

la perspective de notre guerre… et les clauses de notre survie.
Vu son entêtement… le refus américain d’un imminent cessez-le-feu avant d'avoir régler toutes leurs affaires et la misère sans adjectif d’un peuple anéanti…
Je voudrais lui demander de sourire… pour la forme.

Et pour nos télévisions.

La course à l'absurdité

Pour raconter une histoire dont la véracité est légèrement mise en doute… on commence de la façon suivante.
La copine de ma copine… a dit.
Le voisin de mon voisin… a fait.
Un ami d’un ami… a sauté…
Dans un pays comme le mien… on fait mieux encore.
On fait des délogés chez des délogés… et on est dans le vrai.

L’absurdité dans ce coin du monde ne connaît pas de limite…
Et la misère ne connaît pas d’antécédent.
En 1948… les palestiniens chassaient de leur terre virent se réfugier au Liban.
On les isola dans des camps… où l’hygiène… l’honneur et les conditions de vie sont au delà de tout soupçon.
Soupçon de décence… bien évidemment.

En 2006… une guerre irréelle éclata.
ce fut le tour des libanais du sud d’être expulsés de leur village sous sanction de mort…
A la hâte et dans le désarroi… ils se réfugièrent chez les réfugiés.
Des éjectés chez des éjectés … l’imagination de Ionesco n’aurait pas fait plus absurde.
Dans cette grande décadence de l’humanité… une chose subsiste malheureusement.
La certitude de pouvoir tomber toujours plus dans l’invraisemblable.

Thursday, July 27, 2006

Leçon d’optimisme

Mon banquier a une physionomie affable.
Un sourire jovial… et une tasse de café froid ne quittent jamais son bureau.

La panique des jours de guerre me permis de m’affoler un peu… et de demander à retirer mes crédits de la banque.
La discussion commença avec l’agent de service qui s’occupe de moi d’habitude.
… et de mon misérable compte bancaire.
Aujourd’hui… deux semaines après le début des bombardements… au premier signal d’alarme de ma part, on me passa tout de suite le directeur de la banque.
Celui-là même qui le mois passé se faisait prendre des rendez-vous par semaine d’avance.

La situation le permettant… je passe à l’offensive.
Je déclare vouloir fermer mon crédit et quitter le pays.
Là s’abattit sur moi… une pluie d’optimisme.
Elle se voulait rassurante.

Cette fois… c’est la dernière guerre.
Tu verras… il va y avoir beaucoup à reconstruire… du travail pour tous.
Tu sais… on a passé trente ans de guerre… comme ça à tout refaire.

Moi je n’ai pas votre persévérance… je veux partir.
Je ne veux plus perdre mon énergie dans ce pays où tout est instable… périssable et si chétif.

C’est la loi de la nature… à la libanaise.
C’est le Liban… on l’aime pour ça.
Le cycle éternel du renouvellement.
Il ne faut pas partir… on a besoin de vous ici.
Regarde nous… on est là depuis une éternité… et on reste.

Nous les jeunes… on n’a vraiment plus envie de rester.
On veut voir le résultat de nos efforts… les perspectives de nos croyances.

La discussion dura plus longtemps qu’un temps de paix.


Dans ce pays où la parole est tout ce qui reste…
Où un financier vous parle de sentimentalisme absurde…
Où le soleil rayonne presque toute l’année…
Où les bombes pleuvent presque chaque été… à chaque semblant d’espoir.
Le mensonge continue.

La famille de mon banquier vit à paris… sa fille travaille à New York… et son fils aîné à Dubaï.

Wednesday, July 26, 2006

Au nom de la guerre

Au nom du mal… il faut arrêter.
S’abstenir de nous faire la guerre.

Hier encore… le diable se plaignait.
Viser les mêmes peuples… les même gens… ce n’est pas amusant.
Ils ont perdu leur combativité… leur agressivité et leur résistance.
Ils ne veulent pas jouer … ils jouent mal.
Ils jouent faux…
Ils ne jouent pas.
Une seule pensée les obsède… quitter la partie.
Mauvais partenaire... mauvais jeu… mauvaise guerre.

Au nom du mal pur…
Laissez nous la paix !
Sur ce terrain de guerre qui semble vous réjouir… varier vos partenaires.
Comme pour l’amour… rien ne vaut le renouvellement.
Des pays voisins vous lorgnent du regard… vous draguent.
Profitez de votre chance.
Ailleurs…

Au nom de notre passé et du vôtre…
Au nom de la décence et de l’homme…
Le temps du divorce est arrivé.
Prenez votre chemin et laissez nous prendre le nôtre.

Au nom du mal…
Au nom de la jouissance immense dans la destruction…
Démolissez d’autres lieux… abattez d’autres terres.
Ou faites vous psychanalyser.

Nous… les enfants du camp opposé…
Nous … les libanais ne voulons plus reconstruire…
Ni raccommoder… ni réparer… ni guérir.
On en a marre… de vous.

Le droit de vieillir

Je demande le droit de vieillir à nos villes… nos souvenirs et nos enfants.
Je réclame moisissure et rouille sur nos bâtiments… nos esprits et nos visions.
Je revendique la mémoire des années suant sur nos murs et le long de nos façades.
Je défends un passé conjugué au futur.

J’exige de vivre notre histoire… notre présent et notre avenir.

Je ne veux plus renouveler ma maison… ma carrière et mes routes.
Je veux un jardin où les fleurs ont le temps de grandir…
où le mur de fond puisse se revêtir de lauriers.
Je veux pouvoir oublier… dépasser la guerre et continuer d’exister.
Je veux classer mes souvenirs… et non pas les anéantir.

Je veux un quotidien vécu de joies et de malheurs bêtes… insignifiants et superficiels.
Je veux que mes problèmes ne soient pas à l’échelle du Moyen-Orient… et de la vision américaine de remodeler le monde.
Je veux pouvoir décider de mon destin… et non pas trois quarts de la planète.
Je veux ma liberté… de circuler…
Mon droit de vieillir… et de mourir de décrépitude.
Je veux continuer à me battre au jour le jour pour une famille…un métier… une voiture et une carte de crédit.
Sans guerre… et sans peur.

Sunday, July 23, 2006

Introduction

Il y a le télégramme et il y a moi…
L’un ponctue ses phrases pas un stop…l’autre par trois points…
Ceci est le laps de temps nécessaire entre mon cerveau et ma main….
Et toute une logique de pensée entrecoupée de réflexions et de temps de pauses…parfois bonnes et souvent mauvaises.

Double nationalité

Avoir une double nationalité était une question d’honneur…
Voyages… l’humiliation des visas… les longues heures d’attente… les regards dégradants.
Une semaine de guerre et les choses changent de perspective.
Maintenant… une double nationalité est une question de survie.

En ces temps de destruction massive…
Seuls les étrangers sont permis de quitter le territoire libanais… en toute sécurité.
Etre libanais n’est plus une affaire courante d'outrages quotidiens… elle est passée au niveau supérieur.
Au stade de la survie.
La vie et la mort sont une histoire de nationalité…
De droit de naissance.
Certains l’ont… d’autres pas.
Certains sont condamnés à se battre toute leur existence pour le droit de vivre.
La mort est un acquis de droit… la vie est un combat journalier.

Ce pays qu’on aime et dont nous portons la nationalité… n’existe pas.
Ce n’est pas un pays… mais une zone de combat.
Un terrain de guerre.
On ne lui octroie aucun droit… aucune chance.
Sauf celle de se renouveler…
De se reconstruire à l’infini.
De basculer constamment en déséquilibre sur un pied… un orteil… un ongle.
Ses gestes maladroits de démocrate… d’indépendant ne lui valent que des sanctions.
Des peurs.
Il se bat comme un clown triste sur le fil de plus en plus transparent dans un Moyen-Orient en sang et en pétrole.
Il garde son sourire crispé et impuissant… jusqu'à la fin.
Jusqu'à l’anéantissement.
La disparition.
Ce sphinx timide et faible… qui essaie de renaître de ses propres ponts… de ses routes… ses habitations… ses civils et ses martyrs.
Il n’est jamais assez mort… ou peut-être l’est il trop…
Ses cendres sentent l’impuissance… et la fatalité.
Ses contradictions laissent des effluves de désespoir et de bras baissés… coupés.
Pourtant son âme attend encore le lever du jour…
Et nous… de nouvelles vies.
Loin… si possible.

Etat précaire

Le Liban… est un pays à l’état précaire.
Tout peut basculer à tout moment dans le cauchemar…
L’irréel… l’épouvante.
D’un verre de vin dans une soirée ordinaire… le pays se retrouve au petit matin sans aéroport… bombardé.
Tous les villages du sud et de baalbeck risquent de disparaître… et l’alerte générale est déclenchée.
les habitants ont repris leurs habits de peur… et leurs réflexes d’approvisionnement irraisonné.
Les sous-sols sont envahis de ces immigrants d’une autre guerre.
Pas la leur… en tout cas.
Les montagnes… ancien refuge des maronites à la naissance d’une nation se peuplent de nouveau.
La guerre est au rendez-vous…
La destruction… sa sœur jumelle la suit pas à pas le long des autoroutes… des immeubles… des usines et des morts.
On change de mode de vie.
Maintenant c’est au jour le jour… parfois même l’heure à l’heure.
L’instant reprend avec force ses droits… accompagné d’une impuissance totale et d’un dégoût profond.
Aussi profond que la mort.